Si l’on entrait dans l’arrière-cuisine d’un démiurge, on y trouverait sans doute tout ce qu’il faut pour faire un monde. Un bloc de pierre, des troncs, des branchages, quelques métaux précieux, du verre et du béton. Mais la matière n’est rien sans l’art, et le démiurge est aussi calligraphe. Des fils de cuivre, pris dans le plâtre comme des poissons au filet, s’entrelacent et témoignent de son aptitude langagière. Sa version du cosmos est d’emblée symbolique. Sa ville, bâtie de briques en polystyrène parsemées de rubans noirs, prend la forme d’une partition, ou d’un panoptique.
L’invention est laborieuse. Il faut le temps de planter les clous qui tisseront la toile, de cribler de balles un mur pour qu’il prenne l’allure d’une voie lactée, de donner à l’atelier figuré son soubassement.
Le démiurge ne laisse pas non plus le hasard le prendre à défaut. Des maquettes marquetées dessinent un espace habitable, et des portes pour que l’habitation ait lieu. Le bâtisseur à l’oeuvre comprend que la lumière est son alliée et soudain elle inonde des architectures cubiques ou tubulaires, que de multiples alvéoles rendent infiniment respirables.
Pourtant, l’artiste n’échappe pas à l’horizontalité. Son édifice est miné par la chute, comme l’est l’apparition par la disparition. S’étendent et rampent, immobiles, des troncs couchés et métalliques. La fin de la visite est un retour au commencement, faisant du spectateur un sisyphe heureux.