En feuilletant d’un coup sec les pages de sa partition, le danseur fait ses gammes. Le papier froissé donne le rythme : pieds, hanches, doigts, entrent chacun leur tour en action comme des musiciens entrent en scène. A chacun son mouvement, et sa résonnance. Aux mains les volutes, aux hanches les vrilles, au ventre la peau tendue du tambour, aux pieds l’emportement. Le corps du danseur est multiple.
Et ses mondes sont changeants. Il devient silencieux quand les paumes s’effleurent, et que les talons glissent, coupant comme des lames. Il se concentre dans la variation insensible du psaume en incantation et de la plainte en prière. L’instant suivant, il est baroque. Dans la lumière rouge sang et les claquements de doigts, le chant célèbre la culture gitane. Puis c’est le noir complet. Et l’on écoute, sans respirer, les pieds qui martèlent le sol comme un grondement ou un roulis qui enfle, puis, finalement, s’apaise.
Chez Israel Galvan, le flamenco met ses rythmes à l’épreuve. Il interagit, avec les instruments, à cordes ou à percussions, avec les sols et les revêtements. Dans les débris de porcelaine ou dans les billes qui crissent et rebondissent, chaque déplacement trouve sa modulation singulière.
La danse rencontre des éléments qu’elle ne peut ni oublier ni dominer mais avec qui elle compte et se conjugue. Dans les présences égales des sols et des pas, des frappes et des musiques, le danseur trouve sa place, et son rayonnement.