Exposition de Claude et Nadia Pasquet
Palais Jacques Cœur, Janvier 2024
Dans la salle commune du Palais Jacques Cœur, quatre placards creusés dans la pierre forment un quadriptyque. Quatre carrés, redoublés par le cadre carré des volets qui les couvrent. Accroché sur le mur perpendiculaire, une toile, quadrillée, offre à cette figure sa réplique. Sur la trame dessinée s’accrochent, comme les notes sur la partition, des rectangles colorés, larges ou amincis.
Dans l’annexe de la salle de l’étuve, est posée sur le sol une forme lisse. Bilboquet retenu par un fil enroulé, coquillage repêché, son renflement remplace le cœur de la coquille et laisse attendre sur l’autre face le creux que l’on colle à l’oreille pour entendre le bruit des vagues.
C’est l’avant-poste de la prochaine installation. Sur des socles carrés sont gravés en filigranes des symboles, cartes anciennes d’antiques cités. Y reposent les formes rondes et lisses de galets, toupies, cubes ou amphores, polis par une vie sous-marine, à moins qu’il ne s’agisse de météorites échouées. Douze socles comme les douze mois de l’année, les douze signes du zodiaque, les douze premiers jours de la lune dans son cycle. C’est un monde parfait, ou bien un jeu d’échec avec ses diagonales de vestiges.
Dans la chambre consacrée à la flotte de l’argentier, des petits rocs sont disposés sur un mur nu, formant un chemin de croix, ou de halage, et les filins qui les relient schématisent un échafaudage. Dans ce palais historique, d’où le passé a disparu, s’amorcent les six colonnes d’un édifice imaginaire.
En arpentant ainsi les salles, le visiteur qui traverse devient à sa façon géomètre. L’alignement des céramiques de Nadia Pasquet, l’organisation rythmique des tableaux de Claude formalisent l’agencement des dalles et des carreaux, la symétrie des moulures, toute la composition à laquelle le monument doit son juste équilibre.
Mais ce qui frappe celui qui s’aventure, ce ne sont pas les formes que des formules immortalisent, mais leur variation qui fait le jeu de la logique. La composition, chez les deux artistes, est une combinaison, de couleurs et d’intervalles, de perspectives et de points de vue. Un cercle est gravé dans la matière ? Il dessine aussi le contour du volume, il se devine dans son ombre portée, et se trace sur la base comme la mire qu’a visée l’ovni dans sa chute.
Dans la chambre des ans, cinq toiles sont suspendues, scandées par la répétition des lignes formant, à intervalles réguliers, des diagonales ou des quinconces. À les regarder de près, la construction est méthodique dans sa façon d’agencer les espaces. Les rectangles se décalent, ou se croisent, ils s’élèvent par palier. Leurs piliers permutent en un dégradé de gris.
Mais pour peu qu’on lâche prise pour laisser flotter le regard, la toile vacille et se trouble. La surface se dédouble et s’approfondit, elle déploie des coteaux qui s’alignent, des rangées de draps dépliés qui sèchent au vent. L’imaginaire s’emballe à mesure que la vue se brouille. La mesure de l’espace a créé l’illusion du mouvement, et elle laisse le visiteur pris de vitesse, embarqué par des trajectoires filantes, et un art qui s’arrange pour créer la vie.