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Sylvie Lopez-Jacob

Exercices philosophiques

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Archives for mars 2020

Chronique…. les mots s’usent-il quand on s’en sert?

29 mars 2020

Il est un temps où fleurit le langage. Des mots bourgeonnent.

Ils bourdonnent surtout comme les mouches se cognent au carreau. Inlassablement martelés, ils perdent en force ce qu’ils gagnent en fréquence. L’usage que la convention leur réserve est une usure programmée et inéluctable. Qui trouve encore dans les salutations cordiales, apposées au bas d’une lettre, la chaleur venue du coeur ? Qui reçoit comme un réconfort qui chauffe l’âme ce qui n’est qu’une manière commode de prendre congé ? Quiconque veut ranimer ces mots qui s’égarent en formule doit leur ajouter l’étincelle d’un superlatif ou la douceur d’une attention. Très cordialement se charge d’une vigueur nouvelle, bien cordialement, d’un accent tendre. Mais, l’intention pèse peu au regard des coutumes.

Il vient un temps qui change nos habitudes de langage. L’expression par laquelle se nouait l’intime est subitement promue pour une large audience. A l’autre, l’aimé, sur qui l’on veillait, se sont ajoutés les autres dont nous importe le salut, puis la foule, anonyme, qui réclame à son tour l’attention. Chacun dit à chacun de prendre soin de soi, et, disant cela, s’invite parmi ses proches. Le lien social se colore d’inquiétude et la vie, on le découvre, mérite que l’on s’applique.

Y a-t-il plus bel énoncé que celui qui traduit prendre par donner ? Y a-t-il relation plus belle que celle qui veille à cultiver ? A l’heure où les corps se fuient, les mots sont les amarres qu’il ne faut pas délier, si ce n’est à risquer la dérive.

Le temps vient vite où la formule a épuisé le sens des mots. Le temps où l’invite faite à l’autre de veiller sur soi devient aussi froide et distante qu’une salutation cordiale et convenue.

La supplique est trop grave pour être transformée en slogan, si ce n’est à confondre la ferveur avec la prière qu’on marmonne. L’intention est trop pure pour être galvaudée. En passant dans le langage commun, l’expression devient commune et le souci de l’autre n’est plus que politesse.

Il est parfois un temps où des mots inédits redonnent à nos échanges leur sincérité.

Pour prendre soin des autres, peut-être faut-il aussi prendre soin des mots.

Chronique… Entends-tu?

27 mars 2020

Le silence des espace infinis m’effraie. Ces mots de Pascal accueillaient en leur temps la conscience nouvelle d’un monde déserté par les hommes et les dieux.

Aujourd’hui, un tiers de la population mondiale se confine et le silence de ma rue déserte renoue avec ce silence d’autrefois. Les confins de l’univers que l’imagination s’épuisait à penser sont soudain à nos portes, palpables, car le silence, qui redonne de l’espace à l’espace, s’étend de loin en loin.

La rue est absorbée comme si rien ne pouvait la distraire de son occupation. Le temps est plein. C’est un vin, débordant du calice, qui enivre.

Le silence donne au lieu l’aspect clos d’une chapelle. Le merle et moi avons, ce matin, cohabité longtemps. Le repli qui ruine nos désirs de conquête rend-il nos pas plus feutrés et notre présence acceptée des bêtes ? Nos rythmes paraissent au diapason.

Dans ce silence, le moindre bruit résonne avec une intensité inouïe. Le chant d’un oiseau prend une ampleur symphonique et un moteur de mobylette a le fracas d’une déflagration.

Est-ce que le monde s’est tu ? Est-ce notre réclusion qui nous rend sourd au bruits du monde ? Que sont les guerres devenues et leur vacarme ? Les migrants qui affluent ont-ils stoppé leur avancée, comme dans ce jeu d’enfant où l’on crie soleil pour donner un coup d’arrêt au mouvement ? Ce monde là n’entre plus dans nos maisons. La bataille a déserté les champs, hors antenne, pour devenir intestine. Le virus a donné à l’ennemi un unique visage, toutes causes confondues. Disparues les populations, échouées sur les plages, ou confinées, bien avant l’heure. Le silence offre un lit au repli par lequel la conscience digère le monde et ses arrêtes.

En portant la voix de ceux qui réclament les moyens d’aider, la rend-il audible ?

Dans le silence de porte close qui suit l’interruption des visites, la voix de l’autre s’écoute avec une attention accrue. Sa parole est si rare qu’elle s’accueille comme un bien précieux. Elle vient jusqu’à soi, murmurée à l’oreille, et l’autre, dans son éloignement, nous est plus proche que jamais.

Chronique des temps nouveaux

23 mars 2020

L’enfer, c’est les autres?

Les files s’étirent, clairsemées. Les gens s’évitent, dans une distance que mêmes les yeux préservent, en se détournant, comme si l’échange d’un seul regard était une menace. L’on se croise, silencieux, chacun déplaçant avec soi un espace au centre duquel il se tient. L’entre-deux est si dense que la rue vide semble moins déserte que traversée de ces corps perdus dans leur isolement. Désormais, les relations se mesurent à l’aune de l’infection, et non plus de l’affect. Sous le regard des autres, l’individu n’est plus jugé selon les qualités qu’on lui attribue, mais jaugé selon l’éloignement prescrit. En bouleversant la proxémie qui réglait culturellement nos échanges, et singulièrement nos relations, la distance a rendu factice la rencontre qui n’a lieu, dehors, que brièvement, comme si la durée ne pouvait se partager en vases clos.

Le corps de l’autre inquiète lorsque l’on voit surgir au loin la silhouette que l’on sait devoir croiser, et l’on prémédite déjà des stratégies de contournement : dévier, légèrement, de sa trajectoire, détourner, un peu, la tête, et, souvent, baisser les yeux au moment d’arriver à hauteur. Lier contact, même par ce biais, c’est déjà, pour certains, franchir la barrière qu’ils s’appliquent désormais à dresser.

Parmi les interdits qu’on intègre, celui-ci s’inscrit. S’enregistre-t-il durablement ? Que penser du réflexe de ces corps qui sursautent quand ils tombent nez à nez sur l’autre, au tournant ? Une mémoire corporelle est-elle en construction qui s’apprête à conditionner nos échanges ? Comme tout évènement, l’épidémie est une faille par laquelle une continuité est rompue. Mais c’est aussi l’amorce d’un changement dont on ne sait pas encore mesurer les effets.

Au marché, ce sont les mains qu’on surveille dans leurs allées et venues. Elles prennent, pèsent et emballent sous l’oeil des clients qui ne les quittent pas des yeux. Gantées, lavées, elles sont priées de ne pas dévier du circuit qui conduit la nourriture de l’étal au cabas. Quant aux bouches, elles n’entrent à découvert dans l’espace public que pour se tenir closes, et retenir autant qu’il se peut le souffle des mots.

Par chance, l’autre est encore là, dans la chair de sa voix. La voix vaut plus que jamais présence. En elle a reflué la chaleur des corps désormais hors d’étreinte. La voix s’écoute et par elle une vie d’avant s’anime dans un air rafraîchi.

Les voix résonnent et promettent la joie prochaine des retrouvailles.

Chronique des temps nouveaux

21 mars 2020

L’espace privé peut-il survivre à la disparition de l’espace public?

L’allocution présidentielle m’a laissée songeuse. Des injonctions multiples prononcées à mots ouverts ont laissé entendre que l’espace privé, une fois l’espace public déserté, devenait l’enjeu du pouvoir. Que la vie sociale s’interrompe ? Voici la vie de chacun en plein phare et l’on vous dit tout net comment il vous faut vivre : lisez, téléphonez à vos proches, faites de l’exercice. Et si, déconnectés, vous perdiez votre ancrage et sombriez dans l’inertie, ou, pire encore, la négligence qui vous fait laisser aller votre vie ? L’État est là pour vous rappeler à la vigilance. Entretenez-vous, ne laissez pas, en vous, s’éteindre la force vive, dit la nation. Voici devenue perméable, ouverte à tous les vents, l’intimité. La patrie, mère, veille et gère votre espace, donc, aussi, votre temps.

Ne pas sortir, mais non par choix. Etrange recueillement qui n’évacue pas l’activité mondaine mais entend son silence. Comment rester étranger à la rumeur du monde quand celle-ci s’est tue ? Se recentrer sur soi est chose ardue quand la rue écoute. Comme si, au fond, d’ordinaire (ce mot est à méditer), la pensée s’appuyait sur le bruit qu’elle écarte. Comme si elle trouvait dans cette opposition dialectique l’élan de son action. Se retirer du monde n’est pas aisé quand le monde lui-même est en retrait. Sans le divertissement, l’être peut-il opérer cette conversion par laquelle il médite ?

Celle-ci est plus que jamais une conquête car la rumeur qui a fui la rue résonne désormais dans les postes, elle envahit les écrans. L’altérité n’est plus dehors, dans l’espace, sur la place réservée aux rencontres, mais dedans. Le salut civil a cédé le pas au message numérique, beaucoup plus insistant. L’un avait lieu dans l’instant, au croisement, au tournant. L’autre se multiplie et enfle comme une hydre. La vie sociale, privée de lieu commun, s’invite et se ramifie en réseaux, rhizomes dans les coins, autrefois reculés, de la maison. L’on croit fermer la porte à l’invité surprise mais une fois celle-ci close, on le découvre installé. La lutte n’a pas caché longtemps son enjeu. En faisant croire au repli salutaire elle a ouvert l’espace intime à la foule qui s’invite et s’immisce par les échanges virtuels qu’elle multiplie. Restez en ligne : si cela signifie mordre à l’hameçon, ça fend la peau et blesse. Le confinement n’est-il pas, au sens propre, ce qui touche aux limites ? Videz l’espace public, et l’espace privé se remplit, de ces tutoriels qui appellent, car c’est là leur condition, qu’on leur autorise l’image et le son. Tandis que les corps sont murés, on ouvre sa porte aux images. Et, dans cet espace restreint, c’est le temps qui se met à manquer. Il paraît filer plus vite.

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