Cette année, mes élèves de Première de l’option cinéma du Lycée Marguerite de Navarre ont réalisé trois courts-métrages sur le thème du « faux-documentaire », manière détournée que j’ai choisie pour traiter du documentaire qui est la notion du programme.
Pour fédérer les trois projets, une seule contrainte : réaliser un film qui commence comme un documentaire, par la présence identifiable de certains codes, puis s’en détourne, par des indices susceptibles d’en révéler le caractère fictionnel.
Pour cerner la notion en jeu, trois exercices : 1) d’abord une analyse filmique du court-métrage de Valérie Mregen Chamonix. Neufs récits se succèdent, en plan fixe, qui doivent leur vraisemblance à la cohérence de leur construction. Puis, une bifurcation a lieu qui rompt l’enchaînement et produit une fin inattendue. L’effet suscité chez le spectateur est double : la logique du récit construit une croyance que la chute vient démentir.
2) Un exemple analogue a permis une ébauche de définition. Dans le court-métrage de Till Nowak, Le projet centrifugeuse cérébrale, la croyance n’est pas seulement construite par la cohérence du récit, et déconstruite par son incohérence. Elle l’est aussi par la convergence des éléments convoqués pour sa mise en scène, et défaite par leur distorsion. D’abord, tout concorde, le personnage et son propos, le propos et l’image, la matière de l’image et la date que l’on prête à sa production. Puis, tout déraille. C’est la contradiction qui crée le doute, et le dérèglement qui commence dans l’image s’insinue dans le son, puis dans le personnage du savant qui entame une ronde insensée dans le dernier plan du film.
3) Un troisième exercice invitait les élèves à mesurer l’écart qui sépare vraisemblance et vérité. Un groupe construisait le récit vraisemblable d’une histoire, que les spectateurs avaient pour rôle de qualifier : histoire vécue ou inventée ?
Le choix de ce thème a permis d’aborder plusieurs questions relatives au genre documentaire. Quels sont ses codes ? Que signifient la vérité et l’erreur quand on parle d’un « vrai » et d’un « faux » documentaire ? En quoi la relation au réel permet-elle de distinguer le documentaire de la fiction ou, le cas échéant, de les confondre ?
Une brève histoire du documentaire a trouvé dans la question de la vérité son idée régulatrice, en retraçant le passage de la captation du réel, à une mise en scène qui assume puis revendique sa subjectivité.
Des écrits (comme ceux de François Niney, l’Epreuve du réel à l’écran, ou de Didi-Huberman, Ecorces) ont aidé à cerner la valeur documentaire d’une image, dont le faux documentaire ensuite se joue.
Trois groupes se sont constitués sur trois sujets : les régimes alimentaires, la multiplication des caméras de surveillance, et le devenir de l’ancien hôpital de Bourges, lieu historique et désaffecté.
Leur travail de réalisation a été encadré par Delphine Imbert, pour le scénario et Claire Doyon pour le tournage.
Les synopsis des films sont :
Film alimentaire : les régimes se multiplient. Certains sont étranges.
Hôtel-dieu : quand les souvenirs font surgir les fantômes.
Surveiller et prévenir : la logique de la surveillance poussée à l’absurde.