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Sylvie Lopez-Jacob

Exercices philosophiques

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Archives for juillet 2021

Vision naissante

28 juillet 2021

Certains films se regardent les yeux fermés. On tend l’oreille aux bruits d’oiseaux, puis au son qui s’intensifie comme un soleil levant. Il y a une aube, il y a un matin. Premiers plans.

Les formes sont d’abord vagues, mentales, librement associées. Un disque-opale se transforme en hublot derrière lequel naviguent des fils et grains croisés. Un treillage apparait, puis la trame d’un échafaudage. Le spectateur ne découvre l’atelier de sculpture de Morgane Tschiember qu’en recouvrant la vue d’ensemble. Le film de Xavier Mussel l’a construite par aperçus, comme Cézanne fait, par touches, surgir la montagne Sainte-Victoire. C’est une vision naissante qu’il met en scène.

Cet univers blanc-beige, monochrome, aux couleurs des yeux de l’artiste, est aussi un monde en gestation. Une forme étrange et charbonneuse surgit, du fond des âges, et dans des billes en verre, est contenu tout un monde, glaciaire ou aquatique. Un choeur de femmes, prêtresses, célèbre cette traversée de l’espace-temps.

Ouvrir ainsi les yeux et mettre le regard au travail est à la fois l’expérience de l’artiste qui se souvient de son enfance, et l’expérience que le film propose au spectateur. D’abord, la caméra est tactile et filme à fleur de peau le visage de Morgane, comme l’aveugle explore du bout des doigts. Mais, parce que la vue apprend du toucher, la caméra fait surgir ensuite, en plans serrés, des détails qu’il s’agira de com-prendre ou d’assembler. Ainsi, paraissent des matières-échantillons de cratère, de magma volcanique, de carton racorni, ou encore les colonnes écroulées d’un temple imaginaire ou des bouts de grotte et de coquilles, fossilisées.

Et, soudain, des formes enroulées, repliées, naît un souvenir, celui des « capsules en bouquet » que décrit Marguerite Duras, de ce « fer devenu vulnérable comme la chair », au musée d’Hiroshima. Commencement et fin du monde se superposent dans une vision redevenue floue.

Tout recommencera, dit Duras, dans la hantise d’une autre bombe.

Tout recommencera, suggère Morgane Tschiember, et cette formule n’est plus un mauvais présage, mais une promesse. La vision, naissante, renaîtra. Elle surgira de l’imaginaire, du corps qui touche et manipule, du corps touché qui s’amuse à produire la restitution visuelle des gestes dont il a senti sur lui le tracé. Elle surgira par la grâce de l’enfant qui sait raviver les mémoires.

Sylvie Lopez-Jacob

Cosmogonie

13 juillet 2021

Si l’on entrait dans l’arrière-cuisine d’un démiurge, on y trouverait sans doute tout ce qu’il faut pour faire un monde. Un bloc de pierre, des troncs, des branchages, quelques métaux précieux, du verre et du béton. Mais la matière n’est rien sans l’art, et le démiurge est aussi calligraphe. Des fils de cuivre, pris dans le plâtre comme des poissons au filet, s’entrelacent et témoignent de son aptitude langagière. Sa version du cosmos est d’emblée symbolique. Sa ville, bâtie de briques en polystyrène parsemées de rubans noirs, prend la forme d’une partition, ou d’un panoptique.

L’invention est laborieuse. Il faut le temps de planter les clous qui tisseront la toile, de cribler de balles un mur pour qu’il prenne l’allure d’une voie lactée, de donner à l’atelier figuré son soubassement.

Le démiurge ne laisse pas non plus le hasard le prendre à défaut. Des maquettes marquetées dessinent un espace habitable, et des portes pour que l’habitation ait lieu. Le bâtisseur à l’oeuvre comprend que la lumière est son alliée et soudain elle inonde des architectures cubiques ou tubulaires, que de multiples alvéoles rendent infiniment respirables.

Pourtant, l’artiste n’échappe pas à l’horizontalité. Son édifice est miné par la chute, comme l’est l’apparition par la disparition. S’étendent et rampent, immobiles, des troncs couchés et métalliques. La fin de la visite est un retour au commencement, faisant du spectateur un sisyphe heureux.

L’envers et l’endroit

5 juillet 2021

D’emblée, dans l’installation de Anne Imhof au Palais de Tokyo, une vidéo donne le ton. Sur la largeur d’un mur passe en boucle la course d’un chien dont la trajectoire prend celle du visiteur à rebours. Marcher en regardant le film, c’est avancer à contre-courant. C’est faire l’expérience d’une démarche qui prend à contre-pied le dispositif habituel d’exposition. Au chemin de croix qui oriente la visite et ordonne, d’une station à l’autre, les pauses, se substitue la déambulation dans un Palais où il fait bon se perdre.

Un panneau nous indique qu’il est question de labyrinthe. Le terme est bien choisi s’il désigne le caractère aléatoire du trajet. Par contre, il l’est moins pour décrire l’aventure. Car, dans un labyrinthe, la part de l’invisible l’emporte, comme l’observe Bonitzer. Le visible n’est qu’une portion congrue, comme la partie émergée de l’iceberg. Ici, au contraire, si la vision reste limitée, c’est parce qu’il y a trop à voir en même temps. La transparence des vitres qui forment de longs couloirs, des places et des carrefours, montre simultanément les fresques, les vidéos, les graffitis urbains. A chaque tournant surgit un nouvel aperçu qui réoriente le pas, ou qui, en se superposant à d’autres, rend la vision de chacun partielle. Parfois, c’est l’impression de déjà vu qui achève de brouiller les pistes. Qui trop embrasse mal étreint, dit l’adage. À l’échec de la pensée synthétique, le débordement du regard fait écho. Le dédale des œuvres redouble celui des colonnes, et l’ensemble constitue les vestiges d’une ancienne ville qui donne sa forme à l’errance. Et chaque œuvre à son tour déroute, quand sa surface, réfléchissante ou diaphane, rend réversible l’envers et l’endroit, ou contient dedans le devant.

Le spectateur qui marche fait l’expérience vivante du ré-ajustement qui donne sa complexité au visible et au voir ses infinies variations.

Sylvie Lopez-Jacob

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