Dans les temps sombres
Y aura-t-il aussi des chants ?
Oui, il y aura aussi des chants
Sur les temps sombres
Bertold Brecht
Ces mots précèdent le roman dystopique de Paul Lynch, Le chant du prophète.
La logique de l’absurde qui conduit un pays à la guerre s’y déroule implacablement.
Des arrestations aux disparitions, du couvre-feu au feu nourri des expéditions punitives et des patrouilles complices, le récit construit l’entropie croissante qui fait voler en éclats le droit et la liberté.
Il enfle comme une lame de fond, intégrant les dialogues des personnages sans s’interrompre pour alterner les points de vue. Il charrie, pèle mêle, les descriptions réalistes d’une vie de famille de moins en moins ordinaire et les figures poétiques qui saisissent de manière fulgurante les sentiments humains.
L’empathie que le roman suscite avec son héroïne transforme le statut du lecteur qui n’est plus sur la rive, mais en mer, à côté des embarcations par lesquelles les réfugiés prennent la fuite. Avec elles, l’actualité surgit et le démenti qu’elle apporte à l’espoir par lequel se termine le roman, rend la réalité plus dystopique encore que la fiction.