Barberousse, l’éthique du soin au cinéma
A lire dans éthique & santé, n°16
Vouloir réduire une action aux techniques qu’elle met en œuvre, c’est en méconnaître la puissance. Dans le film d’Akira Kurosawa, l’action du soin a cette puissance. Irréductible au protocole qu’elle applique, elle doit sa réussite à l’interaction qu’elle sait nouer avec le patient, c’est-à-dire au lien qu’elle restaure et qui participe au processus de guérison. Dans Barberousse, l’assistance aux malades est cet art qui se construit sous nos yeux. Mais, avec lui, c’est la relation éthique qui prend forme. L’art du soin trouve dans l’éthique non un supplément d’âme, mais le ressort de sa pratique. Un soignant sans éthique est-il coupé de sa pratique ? C’est sur cette question que le film nous invite à méditer.
Il n’est pas question de faire ici la liste des différents motifs qui animent le spectateur de cinéma. Tenons-nous-en à un seul, souvent mis en avant par le système éducatif : un film peut stimuler notre réflexion et en rendre plus accessible le contenu.
Peut-être est-ce la raison qui nous conduit à évoquer Barberousse dès que l’on s’interroge sur la médecine et son éthique.
Ce film, réalisé en 1965 par Akira Kurosawa, met en jeu des scènes emblématiques de cette pratique (visite aux malades, diagnostic, écoute, soin, accompagnement du mourant), il met en scène ses personnages (les malades, les médecins, le personnel soignant), il construit ses relations (les résistances, les divergences, la transmission). Dans cette représentation qu’est alors le film, tous les enjeux de la pratique sont abordés : ses objectifs (la guérison), ses difficultés (les limites du soignant et les peurs du soigné), et ses valeurs (comment soigner sans prendre en charge, comment aider sans assujettir).
Dès lors, il serait simple et tentant de faire de Barberousse un film sur la médecine, dans lequel venir puiser des informations, des conduites exemplaires, des discours édifiants. Le film donnerait à voir et à penser un monde, familier pour les uns, singulier pour les autres, offrant ainsi le plaisir de la connivence ou celui de la découverte.
Or, c’est là une approche immédiate qui mérite d’être corrigée. Faire de Barberousse un film sur la médecine, c’est se méprendre à la fois sur le film et sur son objet.
Si le nom du médecin donne au film, et au roman éponyme de Yamamoto Shûgorô, leur titre français, ce n’est pas la médecine qui en résume le propos. Le soin admet un cadre qui outrepasse les limites de sa seule action. Ainsi, la visite de l’hospice, dans la première séquence, aborde les questions d’hygiène. Les nattes de paille sont préférées aux tatamis, trop humides, les tenues blanches dont la propreté est visible aux vêtements plus douteux. Offrir une nourriture soignée, mais sans artifice (évitons le riz blanc qui raccourcit la vie dit Barberousse), est au centre de l’attention portée aux malades. Le climat joue son rôle et les chambres sont placées au sud pour un ensoleillement bénéfique. Dans l’assistance aux patients, chacun a sa place et l’information circule comme ces seaux que les employés alignés déplacent, pour laver le sol ou réchauffer les bains.
Le soin est donc mis en scène sous toutes ses formes. Mais qu’entend-on par « mis en scène » ? C’est la réponse à cette question qui permet de savoir ce que l’on peut attendre d’un film. Si un film vaut le détour, est-ce seulement parce qu’il transpose dans un univers fictionnel une réalité vécue dont il facilite ainsi la compréhension ?
Dans une oeuvre comme Barberousse, la transposition peut éclairer le rôle du film, mais elle ne saurait en épuiser la force ni en contenir la portée.
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